Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26 avril 2009

Écologie et réconciliation

globe.jpegLa notion de décroissance est parvenue jusque dans nos milieux patriotes par l'intermédiaire d'Alain De Benoist et de son livre, Demain, la décroissance !, Penser l'écologie jusqu'au bout. Alain Soral a également repris certains aspects de la décroissance dans ses discours [1]. Ceux qui se tiennent un peu informé ont donc déjà entendu parler de décroissance. Mais il n'y a pas encore de point de vue officiel E&R. Il était donc grand temps d'examiner cette théorie dans le détail.

Tour d'horizon

Quels sont les principaux atouts de la décroissance? Tout d'abord celle-ci soulève des problèmes qui surviendront inévitablement si le monde continue dans cette direction productiviste. Le fameux slogan « une croissance matérielle infinie dans un monde fini n'est pas possible » résume bien le fait que notre mode de vie n'est pas soutenable. La décroissance est la seule idéologie à faire de l'écologie sérieusement. Le développement durable étant une imposture maintes fois dénoncée [2]. Les décroissants partagent avec nous des valeurs comme l'anti-mondialisme et l'anti-consumérisme. Leur anti-mondialisme est une conséquence de leur volonté de réduire l'empreinte écologique de l'homme sur la nature. La première manière d'y parvenir étant de supprimer les transports les plus polluants comme l'avion. Cette réduction des transports entraine une relocalisation, également prônée à E&R pour de toutes autres raisons. Leur anti-consumérisme est aussi lié à la réduction de l'empreinte écologique et se traduit par le concept de simplicité volontaire, qui propose de limiter sa consommation au strict nécessaire. Les décroissants reprochent également à notre société sa trop grande uniformisation par le modèle Américain capitaliste, qui entraine la destruction des agricultures traditionnelles. Soral a lui aussi critiqué cette destruction de la société traditionnelle par logique marchande, comme le Paris des années 70 détruit par l'arrivée des bobos suite à l'augmentation des loyers. Ces valeurs communes pourraient faire des décroissants de potentiels alliés sur le plan local. A gauche nous pouvons discuter avec la gauche du travail, à droite avec la droite des valeurs, et chez les écolos avec les décroissants?

Comment concilier l'idéologie nationaliste E&R et la décroissance? Est-ce tout simplement  possible? A vrai  dire les deux idéologies répondent à des problèmes qui se poseront à coup sur mais pas au même moment. Comme le disait Alain De Benoist [3], « Personne n'a raison d'une façon absolue, je crois qu'on a toujours raison par rapport à une situation donnée, par rapport à des circonstances, par rapport à un devenir historique ». Le nationalisme d'E&R est donc circonstanciel, un outil très efficace face à l'actuelle mondialisation dévorante. Mais nous n'aurions vraisemblablement pas  été nationaliste dans les années 30. Le nationalisme permet de répondre de manière concrète aux problèmes d'aujourd'hui. Mais pour répondre aux problèmes de demain, nous aurons besoin du fantastique outil d'analyse que constitue la décroissance. Un outil d'analyse, tout comme l'est le marxisme; et ses concepts fondamentaux pour la pensée d'E&R que sont les rapports de classes et les rapports de productions.

Un ciel nuageux

Comme toutes théories, la décroissance possède ses limitations. La plus visible aujourd'hui se trouve dans le passé politique des militants décroissants. La plupart sont issus de la gauche et de l'extrême gauche; ils ont ramenés avec eux des thèmes comme la défense des sans-papiers, le féminisme et la non-violence. Présentés comme des valeurs universelles, indiscutables puisqu'issues des droits de l'homme; elles ont été incorporées au sein de la décroissance sans qu'aucune réflexion sérieuse ne soit mené pour savoir si l'ensemble est cohérent. La rubrique féministe du journal la décroissance tente, sans grand succès, de montrer que décroissance et féminisme sont liés. Se heurtant au problème que de l'aveu même des féministes comme Elisabeth Badinter, c'est la société de consommation qui a libéré la femme. Quant à la défense des sans-papiers, elle serait toute naturelle car en tant qu'humaniste, il ne serait pas possible de s'opposer aux migrations. En clair la décroissance a déjà vu son corpus doctrinal parasité par le gauchisme. Pour le moment ce parasitage n'est pas trop présent et les décroissants restent centrés sur la décroissance. Mais le risque de se fourvoyer dans de faux combats sera très grand, et la décroissance pourrait bien être perverti comme Besancenot a perverti l'anticapitalisme.

L'autre problème majeur réside dans la théorie elle-même. Il est très difficile d'imaginer comment l'appliquer et les problèmes soulevés sont considérables. Examinons le cas du principe de simplicité volontaire. A l'heure de l'enfant roi et de l'omni-présence du narcissisme, au moment où la société toute entière est tournée vers la jouissance; comment l'adhésion à un mode de vie plus simple, plus frugal pourrait avoir lieu? Si l'on proposait de mettre fin à l'obsolescence programmée des téléviseurs en allongeant leur durée de vie à cinquante ans, mais que le prix double ou triple; le succès ne serait pas au rendez-vous. La majorité préférerait le téléviseur le moins cher, avec l'espoir, dès lors qu'elle tombera en panne, de la remplacer par une autre de meilleur standing. Un  raisonnement de consommateur individualiste.
Face à cette difficile équation, certains théoriciens ont répondu par le concept de pédagogies des catastrophes. L'humanité serait assez sage pour apprendre de ses erreurs. Mais n'est-ce pas là une naïveté ahurissante? Si la pédagogie des catastrophes existe, elle n'est pas encore visible puisque la pollution augmente plutôt qu'elle ne régresse. Il est assez rapide de comprendre que seule une catastrophe d'ampleur majeure pourrait déboucher sur une véritable prise de conscience. Il faudrait une catastrophe d'intensité bien supérieure à tout ce que la terre a subi jusqu'à présent: marées noires, dérèglement climatiques, ... Cette pédagogie des catastrophes ressemble beaucoup à la convergence des catastrophes de certains identitaires, dans la mesure où elles ne semblent être que de jolis jouets théoriques inventés pour que les théories fonctionnent. Le message à comprendre est: « Même en l'absence d'alternatives à proposer, même si le monde ne prend pas la direction que vous souhaitez, n'ayez crainte, le système provoquera lui-même sa fin. Le retournement de situation aura lieu et vous pouvez même encourager le système pour précipiter sa fin! » L'imposture de ce discours est qu'une véritable catastrophe pourrait bien laisser l'humanité définitivement mutilée. Comme dans le cas d'une contamination nucléaire de la majeure partie de la planète, qui obligerait la population à vivre dans des territoires hostiles, comme les pôles. Plutôt que de croire à une pédagogie des catastrophes, pourquoi ne pas prôner une anticipation des catastrophes?

Des éléments instables?

Tous les problèmes théoriques posées par la décroissance découlent de son caractère extrêmement révolutionnaire, de sa remise en cause complète de l'idéologie du progrès et du rapport de l'homme à la nature. Cette rupture est telle que tout mise en œuvre de la décroissance équivaut à sortir du système actuel, à tous les niveaux. Sur le plan individuel, les pratiquants de la simplicité volontaire se trouvent souvent désocialisés; car ils se coupent de la société de consommation. Sur le plan géo-politique, un pays qui pratiquerait la décroissance se trouverait également coupé du monde. Il ne pourrait ni acheter aux autres pays des produits, qui ne sont pas durables; ni vendre sa production puisque ses produits ne seraient pas compétitifs selon les critères du marché. De plus la décroissance n'est écologiquement rentable que si tout le monde la pratique. Le plus bel exemple étant que les quelques milliers de décroissants en France ne rattraperont jamais les pollutions de tous les autres Français. On peut également se poser la question de savoir comment faire respecter l'application de la décroissance. Si tous les pays de la terre deviennent décroissants, que se passera-t'il si un pays viole ce principe pour se lancer dans une polluante course à l'armement? Le pays armé l'emportera toujours sur celui qui ne l'est pas. La technique, même si elle est parfois polluante, confère un véritable pouvoir et peut se révéler très utile. Les décroissants luttent souvent pour la suppression des voitures en raison de la pollution engendrée. Mais les ambulances permettent quand même de sauver des vies humaines en transportant rapidement les blessés. Ils refusent l'utilisation des téléphones portables, mais ceux-ci permettent aussi de sauver des vies humaines. Une application stricte de la théorie amène donc à renoncer à un partie du progrès. Une application plus modérée paraît donc plus raisonnable.

Le difficile équilibre

Incontestablement la décroissance est une théorie qui doit être prise au sérieux par E&R. Nous sommes même peut-être les mieux placés pour la développer car nous ne trainons pas les boulets gauchistes que sont les faux combats comme le soutien aux sans-papiers. Les nombreux écueils devront être analysés pour savoir si la décroissance est réellement utilisable pour faire de l'écologie et si elle permettra de mener un vie plus intéressante. Alain De Benoist déclarait à propos des verts [4]: « Les verts en France sont apparemment plus préoccupés par la défense du politiquement correct, du mariage gay ou de la légalisation des drogues douces que par préservation du cadre naturel d'existence. Autant les gens sont sensibles à un message véritablement écologique, autant la défense de causes marginales les intéressent peu. Il est donc logique et pas du tout paradoxal que les verts en tant que parti politique soit en voie d'affaiblissement au moment même où l'écologie rentre de plus en plus dans les esprits». Et  si c'était E&R qui réconciliait les français avec l'écologie grâce à la décroissance?

Romain


[1]  Conférence d'Alain Soral, Fréjus le 23 mai 2008,
[2]  Y compris sur le site nationnal d'E&R: lien
[3] Interview du 28 Novembre 1977
[4] Interview sur Radio Bandiera Nera